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  • Photo du rédacteurPhilippe St-Laurent

Faire face à la crise

Vous commencez votre journée comme n’importe quelle autre. Peut-être que vous vous dirigez vers la cuisine pour vous couler un bon café, ou peut-être que vous vous dirigez vers la salle de bain pour prendre une douche chaude et relaxante. Soudainement, votre cellulaire sonne : c’est votre proche. Vous répondez et vous comprenez rapidement que ça ne va pas. Vous ressentez de l’urgence, de la panique, du désarroi dans sa voix. Bien que ce fut jusqu’alors une journée typique, elle nécessite désormais de vous adapter, et vous ne l’avez pas vu venir. Vous faites face à une crise et une angoisse croissante monte en vous.


Ce court récit est celui de nombreux membres de l’entourage qui vivent un quotidien éprouvant face aux désorganisations de leur proche atteint d’une maladie mentale. Il est possible (ou même probable) de retrouver ce raz-de-marée d’émotion chez tout le monde à un moment ou à un autre de nos vies respectives. Cependant, la prévalence de ces épisodes augmente chez les gens aux prises avec un diagnostic tel qu’un trouble anxieux sévère, un trouble post-traumatique ou le trouble de la personnalité limite, par exemple. Trop souvent, les membres de l’entourage sont projetés dans un rôle qu’ils n’ont pas eu la liberté de choisir, et encore moins de construire avec intention. Savoir à quoi s’attendre et connaître notre rôle face à un tel épisode nous donne l’opportunité d’y faire face avec un contrôle de nos émotions qui est rassurant pour la personne en crise. Un parent ou un ami de longue date représentent un filet de sécurité, une stabilité dans un moment chambranlant. En même temps, si l’entourage est mal outillé pour faire face à la perte de contrôle qu’amène la crise d’un être cher, ce dernier risque davantage d’ébranler son réseau de soutien que d’en retirer une aide. Si les crises sont récurrentes, il est malheureusement fort probable que la relation en écope, dû à la fatigue de compassion qui s’accumule à travers les mois et les années.


Comment éviter d’en arriver à ce point? Comment pouvons-nous rester une présence apaisante dans un moment d’énervement tout en gardant la tête froide? Tout d’abord, j’encourage toute personne qui fait la lecture de ce texte et qui fait face aux crises d’une personne à nous rejoindre. Vous méritez d’être accompagné dans vos bons coups tout comme dans vos difficultés. Plusieurs aspects qui méritent désespérément d’être abordés ne peuvent pas l’être dans ce texte limité : comment se comporter avant les moments difficiles, les retours à faire après la crise, les situations dangereuses, les sentiments contradictoires et déchirants que nous vivons face aux crises entraînées par un trouble chronique, la planification collaborative de notre rôle et j’en passe …


Les valeurs de base d’un bon aidant


Un bon point de départ serait de construire une fondation de valeurs à respecter (autant chez l’entourage que chez la personne concernée) lorsque l’inattendu se produit. Je suggère quatre valeurs pour vous guider : la sécurité, le respect, l’empathie et la responsabilisation. Si l’une de ces valeurs n’est pas respectée, il est plus bienveillant d’aller chercher une ressource mieux formée pour répondre aux problèmes ici et maintenant.


La valeur de sécurité concerne les attitudes et comportements pendant notre échange. Pour sortir de la crise de manière constructive, il est primordial de savoir que nous ne sommes pas en danger. Le contraire ne contribuerait qu’à augmenter l’intensité de la crise en réagissant avec peur. Les indices de manque de sécurité peuvent se révéler par exemple par des menaces verbales, de la violence physique contre des objets ou des gens, la possession d’une arme, ou le manque d’issue pour quitter le contexte si le besoin se manifeste. Tous ces indices ne contribuent qu’à attiser l’escalade des émotions, et non à les apaiser.


La valeur du respect est vitale pour préserver un lien de confiance et la qualité de notre relation avec l’autre. Même sans se montrer agressif ou menaçant, la crise peut entraîner un dénigrement de l’expérience ou de l’opinion de l’autre. Lors de la crise, ce n’est pas le moment de savoir qui a raison ou qui a tort, mais plutôt de se donner l’espace nécessaire pour réellement comprendre et s’expliquer quel événement a causé la désorganisation. S’il y a présence d’invalidation, d’insulte ou de dénigrement à notre égard ou à l’égard de notre proche, la porte se ferme à une résolution constructive.


L’empathie, quant à elle, est la valeur qui nous aidera à choisir nos mots. Nous pouvons résumer l’empathie comme notre capacité à se mettre à la place de l’autre. C’est nécessaire pour que l’autre soit disposé à nous écouter. Après tout, il est rare que l’on prenne au sérieux quelqu’un qui n’a aucune idée de comment on se sent. Entre autres, on peut identifier un manque d’empathie lorsque l’on a tendance à se précipiter aux solutions avant d’avoir permis à l’autre de se confier, ou quand on lui reproche sa conduite sans s’être d’abord intéressé à l’état d’esprit y ayant mené. Encore une fois, le manque d’empathie peut se manifester chez la personne aidante comme chez la personne en crise, et le non-respect de cette base est un indice que l’on se met à risque dans notre tentative de désescalader la situation.


Le dernier élément de notre fondation de valeurs est la responsabilisation. Il est impératif que chaque personne impliquée ait une compréhension minimale et partagée de ce que chaque personne contrôle ou ne contrôle pas. Bien que se souvenir de cela s’avère parfois difficile en état de crise émotionnelle, on ne peut pas se permettre de se laisser envahir par des attitudes de blâme. La responsabilisation est aussi une valeur pertinente pour offrir à la personne l’opportunité de faire partie de la solution et en retirer la valorisation qui en découle. Bien sûr, fortes sont les chances que nous ayons un rôle plus marqué que celui de notre proche, qu’on doive l’accompagner pas à pas. Son état implique probablement une difficulté à avoir les idées claires et à organiser ses pensées pour prendre des décisions propices à retrouver la stabilité. Cependant, il est généralement contre-productif d’exclure totalement la personne et la part de contrôle qu’elle détient sur les résolutions possibles. Sans qu’on s’en rende compte, nous pouvons encourager la déresponsabilisation de notre proche à long terme.


Des attitudes de base face à la crise


Lorsque nous nous sentons calme, et donc en mesure de respecter nos quatre valeurs de base, on peut se rendre disponible pour soutenir notre proche. Je suggère un soutien en trois étapes : la clarification, l’apaisement et la réorganisation. Au travers de ces trois étapes, adoptez l’énergie que vous voulez voir chez l’autre : on ne crie pas, on ne parle pas avec empressement, et on s’adresse à l’autre d’un ton sérieux, mais posé.


Au départ, notre proche est émotif/intense, il peut parler vite et fort, manquer de clarté dans sa façon de s’exprimer. Il est important de mettre un ton propice à l’écoute. On voudra dire quelque chose qui assure notre présence et notre écoute dans l’ici et maintenant. On cherchera à remplacer le fameux « calme-toi » par « je vois que tu es en panique, explique-moi ce qui s’est passé ». Nommer que nous pouvons voir que ça ne va pas est un bon premier pas, car on rassure la personne sur le fait que nous constatons sa détresse et la prenons au sérieux. C’est une étape essentielle pour faire descendre le sentiment de panique. Dire à l’autre de se calmer d’abord ne fait qu’accroître son impression qu’il doit nous convaincre de la gravité de la situation, et donc, nourrit la crise. Finir notre phrase en demandant à l’autre de résumer les faits aide à faire un premier pas vers un meilleur équilibre entre les émotions et la rationalité. Cet équilibre est important pour la qualité du dialogue. Après cette introduction, il est possible que l’on doive calmement recadrer la discussion vers les faits, car les émotions ont tendance à reprendre rapidement le dessus. On pourra dire : « Je peux voir que tu es en colère/paniqué/triste, mais c’est important pour moi de comprendre les événements ».


Pendant que la personne est en mesure de faire une description plus factuelle et que nous gagnons nos repères, on peut s’engager dans notre deuxième étape : l’apaisement. Le mot-clé à retenir ici est « validation ». Pendant que la personne explique les événements, on validera les émotions de l’autre par de courtes affirmations : « X chose t’a insulté », « Y événement t’a vraiment frustré ». Nous commençons en nous contentant de résumer par des affirmations (et non des questions) les émotions engendrées par la situation. On préfèrera la forme affirmative à la forme interrogative, car elle a un meilleur impact chez l’autre. Cela donne un effet : « Lui/elle me comprend vraiment… ». Ça demande parfois de prendre une chance, et c’est normal de faire erreur. La personne pourra simplement clarifier sa véritable émotion, et vous en retirerez simplement davantage de clarté.


Au fur et à mesure que vous progressez dans la validation des émotions lors de l’étape de l’apaisement, vous remarquerez que l’attitude de l’autre sera probablement moins intense. Lorsque tout a été expliqué factuellement à propos de « la goutte qui a fait déborder le vase », et que l’on a validé les émotions vécues dans le moment présent, nous sommes alors prêt à agir. La personne en crise a besoin que nous prenions le leadership, puisqu’elle n’a plus accès à un raisonnement rationnel comme à la normale. Proposez une action qui se concentre uniquement sur cette goutte de trop. Il ne faut pas se laisser distraire par l’ensemble des problèmes de vie de la personne, mais cibler très précisément le problème « de trop » qui a causé la perte d’équilibre/la crise. Vous expliquerez calmement à la personne quelle action vous suggérez, et vous la rassurerez sur l’accompagnement que vous pourrez lui offrir, pas à pas, dans sa réalisation. Lorsque vous aurez l’accord de votre proche, il sera temps d’agir face à la crise.


Bon nombre de nuances n’auront pas pu être abordées dans un court texte comme celui-ci. Il est important de se souvenir que des ressources qualifiées existent pour répondre à la détresse. Il est important d’y faire appel lorsque nécessaire. Le Portail est là pour vous conseiller et planifier l’avenir de votre relation, votre rôle auprès de votre proche atteint. Des ressources d’urgence comme le 911 et le 811 sont aussi disponibles 24h/24 pour vous éclairer en cas de doute.




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