Quand on vit auprès d’une personne qui a une problématique de santé mentale, on a parfois du mal à reconnaître nos propres besoins. Par amour pour l’autre, l’attention de l’entourage est souvent portée principalement sur la personne atteinte : on veut que celle-ci se sente mieux, qu’elle soit en sécurité, qu’elle ne souffre pas trop de ses symptômes. C’est normal, et c’est en effet important d’apporter du soutien à notre proche – en même temps, on ne peut pas être vraiment présent pour l’autre si on est continuellement fatigué et vidé de notre énergie.
Une personne toujours en mode « aide à l’autre », qui a du mal à s’accorder du temps pour se recharger, se met à risque de plusieurs choses à moyen et à long terme : s’épuiser psychologiquement, développer de la frustration et du ressentiment, se sentir submergé par la situation, etc. La santé mentale de l’aidant risque à un moment de devenir elle aussi en jeu.
Chaque être humain a des besoins, dont certains sont communs à tous : besoin de repos, de respect, de se sentir entendu et écouté, etc. Dans les situations d’aide à l’autre, on sacrifie parfois certains de nos besoins, que ce soit de manière plus exceptionnelle (dans des situations de crise, par exemple), ou de manière plus habituelle et répétée. Aussi important que soit le fait de soutenir un proche qui ne va pas bien, on doit aussi, autant que possible, faire l’effort d’écouter et de respecter nos propres besoins à travers le processus.
Mais pourquoi a-t-on tant de mal à écouter nos besoins? Et je dirais même : pourquoi a-t-on parfois du mal à admettre et à accepter leur existence? Il est certain que si on ne reconnaît pas soi-même qu’on a des besoins, si on a du mal à bien les identifier et à reconnaître leur validité, il devient alors difficile de les exprimer face à l’autre, et de les défendre lorsque nécessaire.
On dit souvent qu’il faut essayer de « penser à soi », mais c’est quand même un concept qui peut parfois être perçu de manière un peu négative. C’est peut-être parce que, selon ce qu’on en comprend, penser à soi peut être interprété comme de l’égoïsme, comme un moment pour soi qu’on prend au détriment de l’autre. « Je pense à moi », pour certains, peut être vu comme « Je délaisse mon proche ». Je pense qu’il faudrait plutôt essayer de voir cela, non pas dans le sens « moi plutôt que l’autre », mais plutôt dans le sens « moi aussi ». Tout en reconnaissant les besoins de l’autre (et en lui faisant comprendre que ceux-ci sont entendus et pris en considération), on reconnaît aussi ceux que nous avons de notre côté. C’est lorsqu’il y a un débalancement dans la reconnaissance des besoins de l’une ou l’autre des personnes, que la fatigue et la frustration s’installent. Écoutez l’autre, et donnez-vous le droit d’être écouté vous aussi.
Je sais que ce n’est jamais si simple à appliquer concrètement, surtout si on n’en a pas l’habitude, ou encore si l’autre personne ne veut pas coopérer - ou bien si elle n’est pas vraiment en mesure de le faire. En effet, la maladie mentale peut rendre moins disponible pour les autres émotionnellement, et une personne atteinte pourra parfois avoir du mal à comprendre ou à accepter les besoins du proche qui la soutient. Malgré cela, il est important pour l’aidant de se rappeler que chaque personne a besoin, entre autres, de bien se reposer et d’exprimer ce qu’elle ressent, pour arriver à fonctionner de manière optimale et à se sentir bien.
Si vous avez du mal à prendre du temps juste pour vous, essayez d’y aller petit à petit. Par exemple, prenez la résolution d’inclure dans votre routine quotidienne un petit 15 minutes (ou même 30, pourquoi pas) où vous ne faites rien à part vous détendre (et, bien important, sans vous en sentir coupable!). Un moment qui sert uniquement à tout mettre sur pause, que ce soit en vous étendant sur votre lit au calme, en écoutant de la musique que vous aimez, en buvant un thé ou en prenant une bonne douche chaude. Ces moments aident à recharger nos batteries et à prendre du recul - deux choses qui sont nécessaires pour se sentir mieux en général, et encore plus lorsqu’on fait face à une situation difficile.
De la même façon, si vous avez du mal à vous affirmer devant votre proche et à lui dire comment vous vous sentez, alors commencez par le faire avec une autre personne de confiance, que ce soit un(e) ami(e), un membre de votre famille, ou encore un(e) intervenant(e) – d’ailleurs, au Portail, on est là pour ça. Confiez-vous à une personne avec qui vous vous sentirez écouté(e), et avec qui vous pourrez voir votre situation avec un peu de recul.
On dit que si on ne prend pas de temps maintenant pour notre santé, on devra un jour prendre du temps pour notre maladie. Cela s’applique également à la santé mentale : si vous négligez aujourd’hui les choses qui vous permettraient de vous sentir mieux, alors vous risquez un jour ou l’autre de ne plus être capable d’en prendre. Vous deviendrez peut-être alors indisponible mentalement et émotionnellement pour votre proche pour une période indéterminée. Prenons un peu de temps pour notre santé mentale au quotidien, au fur et à mesure, pour ne pas devoir un jour être trop épuisé, et devoir alors prendre un long moment pour en guérir.
Certaines personnes répondront peut-être à tout cela qu’elles n’ont tout simplement aucun moment dans leurs journées pour prendre une pause. Qu’elles ont du mal à trouver un équilibre entre s’occuper de leurs propres besoins et s’occuper de leur proche atteint. Ou bien qu’elles ignorent comment trouver la force et le courage de s’affirmer face à l’autre. C’est bien possible, et si c’est le cas, il se peut que cette personne soit à risque d’épuisement, et qu’elle ait besoin d’aide. Au Portail, nous sommes justement là pour l’écouter, pour l’aider à reconnaître ses besoins, à mettre ses limites, à trouver un équilibre, et à trouver un peu de temps pour elle-même.
En ce mois de la St-Valentin, n’oubliez pas d’avoir aussi de l’amour pour vous-même. Prenez le temps de reconnaître tout ce que vous faites pour la personne à qui vous tenez. Vous êtes important vous aussi, et vous méritez cette même attention que celle que vous donnez si naturellement. Prenez le temps de dire à votre proche que vous l’aimez, et prenez aussi le temps de reconnaître vos besoins. Il faut oser s’écouter et s’aider soi-même, afin d’arriver à mieux écouter et aider l’autre.
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