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Gérer sa charge mentale dans l'aide à l'autre

  • Photo du rédacteur: Philippe St-Laurent
    Philippe St-Laurent
  • 6 janv.
  • 7 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 févr.

Aujourd’hui, nous sommes connectés plus que jamais. Connectés les uns aux autres, à nos emplois, ainsi qu’à nos passions. C’est de plus en plus le cas avec l’arrivée de nouvelles technologies qui s’incrustent dans chaque aspect de nos vies, comme le fameux téléphone cellulaire intelligent. En quelques secondes à peine, nous recevons des messages de nos proches, consultons quelques notifications, révisons notre liste de tâches et nous efforçons de finaliser ce dont on s’occupait dans le moment... La vie moderne peut nous étourdir par sa rapidité et donc, par la charge mentale qu’elle requiert de notre part.

 

Nos outils évoluent et nous permettent d’en faire plus avec moins. Cela étant dit, si l’efficacité de nos outils évolue sans cesse, qu’en est-il de nous ? De nos capacités humaines ? Bien que nos cellulaires puissent contenir une quantité astronomique de listes de choses à faire, pouvons-nous assurer que l’humain ayant inscrit ces notes sera en mesure de déployer les efforts (ou de tout simplement prendre le temps) nécessaires à chacune de leur réalisation ? Malheureusement, nos chers outils d’organisation ne feront pas « pousser » leurs propres tête, bras et jambes pour mettre la main à la pâte avec nous de sitôt…

 

Je le nomme, car il est important de rendre plus visible un piège dans lequel bon nombre d’entre nous pouvons tomber. Pour plusieurs, le piège est le suivant : nos outils plus efficaces et rapides d’utilisation nous encouragent à prendre davantage de responsabilités, même si notre énergie ou nos capacités humaines, elles, n’ont pas augmenté.

 

Le thème de la charge mentale est universel. Tout un chacun doit faire face à une société qui accélère, qui s’organise plus vite et qui travaille plus vite. Si vous lisez ces lignes cependant, c’est parce que vous êtes sans doute membre de l’entourage d’une personne atteinte de défis de santé mentale. Et qui dit être proche, dit soucis… dit soutien… dit efforts… dit émotions fortes, et j’en passe !

 

Ce texte vise à vous sensibiliser à votre charge mentale accumulée dans votre rôle d’aide envers votre proche atteint ; c’est-à-dire, l’ensemble des tâches et des responsabilités subtiles, et parfois moins visibles par les gens qui nous entourent, et qui ajoutent des stress à notre quotidien. Une trop grande charge mentale mène entre autres à une difficulté d’organisation, de l’anxiété et des frustrations. Une question se pose alors : souffrons-nous d’une charge mentale envahissante dans l’aide à l’autre ?  

 

Comment accumulons-nous autant de responsabilités dans l’aide à l’autre ?

 

Les membres de l’entourage de personnes vivant une maladie mentale sont exposés à des défis et à des tensions qui reviennent périodiquement. Bien que plusieurs personnes qui conjuguent avec la maladie soient autonomes, d’autres n’ont pas les mêmes chances et doivent déployer davantage d’efforts pour retrouver un état d’équilibre. Face à cette réalité, les membres de l’entourage (particulièrement les membres d’une famille) vont chercher à agir. Agir pour influencer, pour conseiller, pour soigner. Bref, pour aider !

 

Par cet effort, un glissement de responsabilité peut s’opérer. Les responsabilités revenant normalement à la personne vivant les défis de santé sont transférées à certains proches bien intentionnés et généreux. Souvent, ce sont ces proches eux-mêmes qui prennent les devants et qui le proposent. Voici quelques exemples de responsabilités qui peuvent glisser vers l’entourage, pour le meilleur ou pour le pire :  une résolution de problème, aller faire l’épicerie, s’assurer du respect de la prise de médicaments, le suivi des rendez-vous médicaux et psychosociaux, etc... Comprenons-nous bien, il est tout à fait adéquat de faire équipe ou de rendre service. Typiquement, les gens qui s’offrent pour aider ou qui se font demander de l’aide en regard de ces responsabilités se disent qu’ils rendent service et qu’ils le font pour le mieux-être de l’autre. Ces « glissements de responsabilité » comme je le nommais précédemment sont souvent vus au départ comme des engagements temporaires. On se dit que la situation le nécessite pour que notre proche retombe sur ses deux pieds. C’est bien sûr parfois le cas ! Ceci étant dit, au sein de services destinés aux proches de personnes vivant la maladie mentale comme les nôtres, nous constatons que le caractère « temporaire » tend à devenir plus « permanent » qu’on le souhaiterait. Un double « bénéfice » se présente : les proches atteints se sentent allégés et ressentent moins de stress, et en ce qui concerne les membres de l’entourage, on en retire un sentiment de contrôle qui est le bienvenu au sein d’un contexte qui manque de prévisibilité.

 

Après avoir volontairement accepté plus de charge mentale qui vise à soulager celle de l’autre, nous vivons souvent un inconfort à l’idée de reconfier à notre proche ses responsabilités. Nous apprécions le sentiment de contrôle nommé plus haut, et nous commençons aussi à avoir peur de comment l'autre va réagir s’il doit à nouveau compter sur sa propre autonomie pour se débrouiller. Nous souhaitons plaire. Parfois aussi, on se dit que si on accomplit les différentes démarches soi-même, nous pouvons être plus assurés qu’elles seront réalisées, ou mieux réalisées. En outre, il est aussi possible de se sentir indispensable ou de croire que l’autre a absolument besoin de notre aide. « Sans moi, qu’est-ce qu’il/elle ferait ? », nous disons-nous…

 

Ces manières de voir les choses ne seraient pas si mal que ça si elles n’apportaient pas des conséquences pour soi et pour notre proche en rétablissement. Pour nous-mêmes, quand les responsabilités que nous avons acceptées s’accumulent sans qu’on y ait déterminé une fin dans un commun accord, les conséquences peuvent être l’épuisement, la frustration (surtout en absence de gratitude de l’autre), l’anxiété. Pour notre proche atteint, les conséquences de confier à autrui une trop grande proportion de ses responsabilités/charge mentale peuvent être une baisse de son estime personnelle, une baisse de l’espoir envers le rétablissement ou une perception de lui-même de plus en plus dépendante des autres, qui amène à son tour des humeurs plus dépressives et anxieuses.

 

Ces conséquences chez notre proche atteint s’expliquent entre autres par le fait universel qu’une personne doit rencontrer des défis surmontables et les relever de manière fréquente pour conserver son sentiment de compétence et de fierté (surtout en contexte de maladie mentale, qui affecte particulièrement ces notions). En autant que ces défis soient raisonnablement surmontables par la personne moyennant certains efforts, les bonnes ressources et une bonne organisation, il est souhaitable de permettre à notre proche de pouvoir se dire : « Oui c’est moi qui en étais responsable, oui je l’ai fait, et oui j’en suis fier ! ». Posons-nous la question : « Ma posture d’aidant permet-elle à mon proche de se sentir responsable de ses succès ? ». Évidemment, les défis de trop grande taille pour notre proche en rétablissement méritent une stratégie d’équipe, pour éviter de projeter notre proche atteint dans des échecs répétés pouvant le décourager de persévérer. Bref, on ne souhaite pas être surresponsabilisé ou bien déresponsabilisé vis-à-vis le rétablissement de notre proche.

 

Des pistes de solutions  

 

Chaque réalité familiale est différente. Les manières dont nous agissons les uns envers les autres ainsi que la façon dont la charge mentale est reconnue ou répartie n’ont pas seulement à voir avec les conséquences de la maladie mentale. Bon nombre d’aspects familiaux et développementaux influencent ces réalités bien avant la manifestation de quelconque maladie. Quelles valeurs sont partagées au sein de la famille ? Sont-elles explicites ? Les parents ont-ils su marcher la ligne de la responsabilisation pour faire de leur enfant un jeune curieux et engagé ? Comment réagissons-nous dans la famille face aux défis, face à l’échec, face à la réussite ? Ce ne sont que quelques exemples des contextes pouvant influencer notre personnalité et nos choix à ce jour. C’est pourquoi il est souhaitable de contacter une association comme le Portail pour obtenir des services professionnels lorsqu’on a besoin de se questionner face à notre rôle d’aidant, et par rapport à ces enjeux sous-jacents.

 

Voici tout de même quelques pistes de réflexions intéressantes visant à éventuellement rééquilibrer notre charge mentale lorsqu’on se rend compte que nous en avons beaucoup sur les épaules.

 

Tout d’abord, questionnez-vous avec la plus grande sincérité dont vous êtes capable. Pourquoi est-ce que j’en prends plus sur moi ? Est-ce que mon proche me l’a demandé ? Est-ce par volonté sincère de rendre service ou par peur de décevoir ? Est-ce possible que je manque de confiance en mon proche ? Mon proche rencontre-t-il des événements lui offrant de bonnes raisons d’être fier de lui ? Ces questions visent à mieux comprendre si un glissement de responsabilité s’est réalisé. Également, se questionner de la sorte nous permet de prendre conscience si nous avons adopté des comportements qui visaient davantage à répondre à notre détresse qu’à celle de l’autre sans nous en rendre compte. Il ne faut pas sous-estimer le fait que les aidants ont tendance à prendre des places et des responsabilités qui ne leur sont pas explicitement demandées, par peur de ce qui pourrait arriver s’ils ne le font pas. Ce surengagement contribue parfois à un sentiment de manque de confiance/contrôle/compétence vis-à-vis la situation chez notre proche atteint. Advenant que tel est le cas, peut-être est-ce possible d’identifier quel rôle nous avons joué dans ce glissement. Souvenons-nous que chaque nouvelle implication a été précédée d’un choix. Avec les conseils d’un organisme comme le Portail, il deviendrait possible d’explorer ces questions avec votre proche.

 

Ensuite, il faut savoir reconnaître si notre proche démontre sa reconnaissance de ce que nous faisons pour lui. Quand un manque de gratitude se fait sentir par l’absence de petits « merci » ou d’actes symboliques d’appréciation, nous devons nous en rendre compte. Nous recommandons de poser la question ouvertement : « Parles-moi des choses que tu apprécies dans ce que je fais pour être soutenant ». Il est aussi important de se renseigner sur l’inverse : « Parles-moi des choses que tu aimerais que je fasse moins dans la situation ». Ces questions permettent de se rendre compte de ce qui compte vraiment pour l’autre, et surtout, d’arrêter de jouer des rôles qui enlèvent le sentiment de compétence de l’autre tel qu’adressé plus haut !

 

Enfin, le plus important demeurera de ne pas garder le stress de la charge mentale pour soi. Il faut savoir se confier à des gens aimants autour de nous, qui nous aideront à revoir s’il y a des stratégies plus équilibrées à adopter. Vous méritez une équipe complète pour faire face à des défis de taille !






 
 
 

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